Le nom Ebolavirus, ou plus communément virus Ébola, provient du nom d'une rivière passant près de la ville de Yambuku, en République démocratique du Congo. C'est à l'hôpital de cette localité que fut identifié pour la première fois le filovirus, lors d'une épidémie qui débuta le 1er septembre 1976. La fièvre Ébola est une fièvre hémorragique foudroyante qui s'attaque à l'humain et aux autres primates, principalement transmise par la chauve-souris. Son apparition chez l'homme semble récente (premier cas recensé en 1976) bien que l'on retrouve chez certaines populations africaines des traces d'anticorps.
Historique
Les deux premières épidémies recensées par l'OMS ont eu lieu en 1976, au Soudan (151 morts pour 284 cas) et au Zaïre (280 décès pour 318 cas). Un cas mortel est identifié au Zaïre en 1977. De nouvelles contaminations surviennent au Soudan en 1979 : 22 décès pour 34 cas. En 1989, une épidémie touche les singes d'une animalerie de Reston, États-Unis. Elle ne fait aucune victime humaine. Le même type d'épidémie est observé en 1992 en Italie, et en 1996 aux États-Unis.
D'autres contaminations humaines massives surviennent dans les années 1990, en 1994 au Gabon (31 décès pour 52 cas) et en Côte d'Ivoire (un cas, non mortel), en 1995 au Zaïre (254 décès pour 315 cas), en 1996 au Gabon (deux épidémies successives, faisant respectivement 21 décès pour 31 cas, de janvier à avril, et 45 décès pour 60 cas, de juillet à décembre). Une infirmière ayant soigné des malades atteints au Gabon meurt d'Ebola en Afrique du Sud, la même année.
En 2000, Ebola touche pour la première fois l'Ouganda (224 décès pour 425 cas) ; elle y revient en 2007 dans la région du lac Albert (37 morts pour 149 cas, soit un taux de mortalité inhabituellement bas de 25 %, peut-être en raison d'une souche moins virulente), 2011 (1 cas mortel, à 35 km de la capitale), 2012 (dans le district de Kibale, dans l'ouest du pays : 17 morts pour 24 cas) et 2013 (4 morts pour 7 cas). Une épidémie touche de nouveau le Gabon en 2001-2002 (53 décès pour 65 cas), ainsi que la République du Congo voisine (44 décès pour 59 cas en 2001-2002, 128 décès pour 143 cas de janvier à avril 2003, 29 décès pour 35 cas en novembre-décembre 2003, 10 décès pour 12 cas en 2005). La République démocratique du Congo est également touchée en 2007 (187 morts pour 264 cas), 2008 (dans le Kasaï-Occidental, 14 décès pour 32 cas) et 2012 (dans la Province orientale, 29 décès pour 54 cas).
En 2014, l'épidémie touche pour la première fois l'Afrique de l'Ouest : une épidémie, diagnostiquée à Lyon, s'est déclarée le 9 février 2014 dans le sud de la Guinée, notamment dans les préfectures de Gueckédou, Macenta et Kissidougou. Elle a fait au moins 59 morts sur 80 cas recensés. L'épidémie a atteint ensuite la capitale Conakry et l'OMS craint également que celle-ci ne s'étende aux Sierra Leone et Liberia voisins, car des cas similaires y ont été signalés.
Le virus
Comme le virus Marburg, le virus Ebola appartient à la famille des filoviridae. Ce sont des virus à ARN de forme filaire (d'où le nom de la classe). Son génome contient sept gènes qui codent sept protéines différentes.
On a identifié 5 souches différentes :
Ébola-Zaïre
Ébola-Soudan
Ébola-Côte d'Ivoire
Ébola-Reston (USA-Philippines)
Ébola-Gabon
Les deux premiers sont responsables de la quasi-totalité des cas humains. Le virus philippino-américano-africain semble être transmissible à l'homme mais sans donner de signes cliniques.
Réservoirs viraux
L'origine des épidémies se fait par le biais des grands singes de la forêt équatoriale ; ceux-ci sont contaminés par des fientes ou des morsures de trois espèces de chauves-souris frugivores (réservoir sain) qui sont porteuses du virus sans en présenter les symptômes. Les habitants des zones frontalières à la forêt vivent en grande partie de la chasse des grands singes, voire des chauves-souris ; ils sont contaminés par le sang de leur gibier, voire en chassant directement les chauve-souris comme l'Hypsignathus monstrosus pour les manger.
Le réservoir naturel potentiel du virus Ébola pourrait être chez des chauves-souris, notamment l'espèce de la roussette d'Égypte. Des anticorps du sous-type Zaïre ont été détectés dans le sérum de trois espèces de chauves-souris frugivores tropicales : Hypsignathus monstrosus, Epomops franqueti et Myonycteris torquata. Les résultats des recherches prouvent aussi la présence de séquences d’ARN viral dans le foie et la rate de ces mêmes petits mammifères volants. Le virus n'a cependant jamais été retrouvé chez ces animaux. Cette présence démontre que ces chauves-souris sont porteuses du virus sans pour autant être malades, les désignant alors comme réservoir naturel potentiel du filovirus Ébola. Jusqu'à présent, on pensait que les chauves-souris contaminaient d'abord un autre animal avant que le virus n'atteigne les populations humaines. Elles peuvent cependant contaminer directement les humains. En effet, selon l'IRD, dans certaines circonstances, des chauves-souris pourraient directement transmettre Ébola à l’homo sapiens.
Les porcs domestiques sont sensibles aux virus Ébola Zaïre (par infection des muqueuses). Ils développent alors une maladie respiratoire grave (pouvant être confondue avec d'autres maladies respiratoires porcines), associée à une effusion de charge virale élevée dans l'environnement, exposant les porcs sains à l'infection.
Écoépidémiologie
Le cycle du virus dans la nature est encore mal connu. On sait qu'il affecte certains grands singes et les chauve-souris. L'hypothèse est la suivante :
Les chauves-souris sont porteuses saines.
Les chauves-souris contaminent les singes.
Les humains chassent en forêt, et se font contaminer, (par exemple en « mangeant de la viande de brousse contaminée », ou en rencontrant les singes).
Pouvoir pathogène
La période d’incubation varie de 2 à 21 jours (généralement de 5 à 12 jours). Une semaine après le début des symptômes, les virions envahissent le sang et les cellules de la personne infectée. Les cellules les plus concernées sont les monocytes, les macrophages, et les cellules dendritiques. La progression de la maladie entraîne généralement la désagrégation des organes vitaux, en particulier les reins et le foie. Ceci provoque des hémorragies internes importantes. La mort survient, peu de temps après, par choc cardio-respiratoire.
Ébola sature tous les organes et les tissus de particules virales à l’exception des os et des muscles moteurs. Il forme d’abord de petits caillots de sang diffus dans l'ensemble des vaisseaux (coagulation intravasculaire disséminée) dont le mécanisme n'est pas clair. Les caillots se collent ensuite, aux parois des vaisseaux sanguins pour former un « pavage ». Plus l’infection progresse, plus les caillots sont nombreux, ce qui bloque les capillaires. Finalement, ils deviennent si nombreux qu’ils bloquent l’arrivée sanguine dans les divers organes du corps. Quelques parties du cerveau, du foie, des reins, des poumons, des testicules, de la peau et des intestins se nécrosent alors car elles souffrent d'un manque de sang oxygéné.
Une des particularités d’Ébola est la brutalité avec laquelle il s’attaque aux tissus conjonctifs. Il provoque aussi des taches rouges appelées pétéchies ; ce sont des hémorragies sous-cutanées. Il se multiplie dans le collagène de la structure de la peau. Les sous-couches de la peau meurent et se liquéfient ce qui provoque des bulles blanches et rouges dites maculopapulaires. À ce stade, le simple fait de toucher la peau la déchire tant elle est amollie.
Le virus provoque une réaction inflammatoire importante mais certaines protéines virales semblent inhiber l'interféron.
Modes de transmission
La transmission par contact direct avec les liquides organiques (sang, sperme, excrétions, salive) d’une personne infectée est la plus considérable de toutes. Les risques de propagation chez le personnel hospitalier sont très élevés, particulièrement si la stérilisation du matériel n’est pas assurée. Dans les zones endémiques, des manques en matière d'hygiène et de sécurité ont causé la mort de plusieurs médecins et infirmières lors d'épidémies et favorisent les contaminations nosocomiales.
La transmission du virus peut aussi s’effectuer par contacts étroits du malade avec ses proches. On entend par contacts étroits des contacts directs avec les liquides organiques d’une personne infectée, qu’elle soit vivante ou décédée. Les rituels funéraires de certaines populations d'Afrique centrale, consistant à laver le corps, puis à se rincer les mains dans une bassine commune, ont souvent favorisé la propagation du virus à travers la famille et les amis du défunt. Des cas de transmission par le sperme se sont déjà produits jusqu’à sept semaines après la guérison clinique du malade. La transmission peut se produire chez des personnes ayant manipulé des primates infectés par le virus, morts ou vivants. Sous des conditions expérimentales, le virus arrive également à se propager par des gouttelettes ou des particules aérosol.
Symptômes
La fièvre hémorragique Ébola se caractérise par une soudaine montée de fièvre accompagnée d’asthénie, de myalgie, de céphalées ainsi que de maux de gorge. Débutent ensuite les diarrhées, les vomissements, les éruptions cutanées et l’insuffisance rénale et hépatique. Des hémorragies internes et externes surviennent ensuite, suivies du décès par choc cardio-respiratoire dans 50 à 90 % des cas. Les signes hémorragiques peuvent être très frustes à type d’hémorragies conjonctivales. Elles peuvent aussi être profuses à type d’hématémèse et de melæna. La contagiosité des malades est donc très variable bien qu’il ne suffise que de 5 à 10 particules virales d'Ébola pour déclencher une amplification extrême du virus dans un nouvel hôte.
Le décès survient dans un tableau de choc avec défaillance multi-viscérale, au bout de 6 à 16 jours. Les cas non mortels peuvent entraîner des séquelles neurologiques, hépatiques ou oculaires. Le virus zaïrois semble plus dangereux que le virus soudanais, avec une mortalité atteignant de 60 à 90 % des cas.
Biologie
Un déficit en globules blancs (leucopénie) est fréquent, touchant particulièrement les lymphocytes. Il peut exister un déficit en nombre de plaquettes sanguines (thrombopénie), une augmentation des transaminases. Une protéinurie (protéines dans les urines) peut apparaître.
Diagnostic
Le diagnostic est suspecté devant le tableau clinique et la localisation en lieu d'endémie ou d'épidémie. Il est confirmé par la détection du virus ou de particules virales, soit par PCRsoit par méthode immuno-enzymatique ELISA. La recherche d'anticorps de type immunoglobuline G (IgG) ou immunoglobuline M (IgM) est une méthode indirecte. L'élévation de ces anticorps est retardée (surtout pour les IgG) mais persiste longtemps après la fin de l'infection, permettant un diagnostic rétrospectif.
L'inactivation du virus est souhaitable avant tout test sur des échantillons. Elle peut être faite soit par la chaleur, soit par irradiation.
Traitement
Il n'existe aucun traitement curatif et l'évolution est fatale dans 50 à 90 % des cas.
Un vaccin vivant atténué expérimental donne des résultats encourageants chez le singe. Il a été administré en mars 2009 à un chercheur travaillant sur le virus et qui s'était accidentellement contaminé. L'évolution en a été favorable.
D'autres pistes sont en cours d'exploration chez l'animal : utilisation d'une protéine inhibitrice d'un facteur de la coagulation ou inhibition de l'ARN polymérase viral par des ARN interférents.
Précautions
L’imposition de la quarantaine, l’interdiction d’aller dans les hôpitaux, la suspension de la pratique des soins aux malades et des funérailles ainsi que la mise à l’écart des malades dans des huttes séparées qui sont désinfectées (de l'eau de javel à deux semaines d'intervalle suffit), parfois brûlées après la mort de leurs occupants, permettent d'endiguer les épidémies. Sur le terrain, il n’existe toujours pas de mesure plus sécuritaire si ce n’est le port du filtre à air.
Les recherches en laboratoires doivent être menées au sein d'installations de confinement de niveau de biosécurité 4. Les laboratoires de niveau 4 sont entièrement autonomes et possèdent un système de ventilation spécialisé, un sas d’entrée et de sortie, des enceintes de protection biologique de classe III, etc. Les procédures sur la stérilisation et la décontamination y sont rigoureusement appliquées et les employés revêtent une combinaison pressurisée.
En Europe, le premier laboratoire à recevoir l’autorisation de travailler sur Ébola, en l'an 2000, fut le laboratoire P4 Jean Mérieux, à Lyon (France).
Aux États-Unis, la NIH finance à partir de 2012 pour une durée de 5 ans l'institut Albert Einstein College of Medicine afin d'étudier les mécanismes moléculaires de l'infection du virus et sa diffusion chez l'animal.
Bioterrorisme
En 1992, la secte japonaise Aum Shinrikyō, profitant d'une épidémie, tente en vain de se procurer le virus Ébola au Zaïre, lors d'une mission « humanitaire » menée par le gourou en personne avec quarante autres membres de la secte. Considéré comme particulièrement dangereux, ce virus est soumis dans la plupart des pays à des dispositions spécifiques de sécurité. En France, toute autorisation de recherche sur celui-ci est délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM-PS), après examen du casier judiciaire ; le fichier Sambiosec de l'ANSM-PS, auquel peuvent avoir accès les agences de maintien de l'ordre, recense les diverses recherches et utilisations en cours.
Ébola et culture populaire
Vu sa très grande virulence, sa mortalité très importante et ses symptômes « impressionnants », le virus Ébola est devenu l'une des pires incarnations de la peur moderne de danger biologique, à savoir celle d'un virus pandémique qui provoquerait à lui seul et via les moyens de transport humains un désastre à l'échelle mondiale. Ceci a valu à Ébola, à l'instar du charbon ou de la variole, d'être le « sujet principal » de nombreux films et de romans catastrophes exploitant le sujet, tels que le film hongkongais Ebola Syndrome.
Le virus fictif « Motaba » du film Alerte ! s'en inspire.
Le réalisateur de 28 jours plus tard a aussi déclaré s'être inspiré des effets de l'Ébola sur les victimes humaines par souci de réalisme.
L'épisode 1.03 de Sept jours pour agir, montre une souche du virus Ébola transmissible par l'air qui décime 98 % de la population mondiale en une semaine.
Il est aussi le remplaçant du charbon dans le roman de Tom Clancy Sur ordre qui fut plébiscité pour avoir décrit à l'avance les événements du 11 septembre 2001.
Dans le jeu Resident Evil, le virus Ébola est le virus souche du virus Précurseur.
Dans un épisode de la série Walker, Texas Ranger, un suspect d'origine africaine est porteur de ce virus, ce qui provoque une très grande inquiétude de la part de Walker et son équipe, certains rangers ayant été en contact avec ce suspect.
Dans la saison 3 de la série télévisée 24 heures chrono, les symptômes causés par le virus Cordilla dont sont atteints les habitants de Los Angeles sont inspirés de l'Ebolavirus.
Dans la série The Walking Dead, la maladie ayant tué puis réincarné la plus grande partie des habitants est décrite comme étant une « variole militaire », puis une « souche d'Ébola ».
Enfin, le livre Virus, de Richard Preston relate l'histoire de la découverte d'Ébola.
Le monde du manga s'en est également inspiré. Nous pouvons par exemple citer l'auteur Hokazono Masaya dans le manga Emerging, sorti en France et édité chez Kurokawa. Il conte l'apparition d'une pandémie virale due à un virus émergent dont les symptômes rappellent fortement ceux d'Ébola (et non Marburg comme il est dit dans le livre).
Dans le film japonais L change the world, tiré du manga Death note, le virus Ébola est représenté comme arme biologique ; puisqu'il est issu de deux souches, il est devenu un virus mutant.
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